Article paru dans le calendrier 2008 édité lors de l’Année anabaptiste 2007
Auteur : Hanspeter Jecker
Dès l’origine du mouvement anabaptiste, les autorités ecclésiastiques et politiques d’Europe ont vu leur pouvoir et leur influence menacés. Elles réagirent de manière extrêmement dure contre l’émergence de la nouvelle doctrine et pratique dont les points forts étaient les suivants :
- Liberté de croyance et d’appartenance à l’Eglise;
- Rejet du baptême des enfants et pratique du baptême sur profession de foi;
- Organisation de communautés indépendantes;
- Refus du serment et du service armé;
- Appel à la repentance et à la foi ainsi qu’à la „suivance du Christ“
Dans toute l’Europe, les autorités n’étaient premièrement pas disposées à tolérer l’absence anabaptiste lors de la fréquentation obligatoire du culte et de la Ste-Cène. Deuxièmement, elles ne supportaient pas le refus du serment de fidélité auquel chaque sujet était soumis. Troisièmement, ni le refus du service armé, ni le refus de collaborer à la dénonciation d’actes „passibles de la peine de mort“ ne pouvaient être acceptés. Et quatrièmement, on s’efforçait d’anéantir systématiquement toutes les cellules et assemblées anabaptistes, là où de tels enseignements „menaçant l’Etat“ se répandaient.
Dans ce contexte, les autorités s’appliquèrent donc à dépister et à mettre en état d’arrestation les anabaptistes, hommes et femmes, dont les délits principaux commençaient à être visibles : là où quiconque s’absentait durablement du culte et de la cène officiels, là où quiconque ne faisait pas baptiser immédiatement ses nouveaux-nés, là où quiconque se soustrayait au serment d’allégeance et où quiconque ne participait pas aux inspections et exercices militaires, on soupçonnait l’adhésion au mouvement anabaptiste.
La lutte menée contre l’anabaptisme se concrétisa au niveau européen premièrement dans la lutte contre l’hérésie, la rébellion et l’égarement religieux : on lui reprochait d’abord de détourner le peuple et de dévier par rapport aux convictions officielles sensées offrir le salut; en second lieu on craignait que le non-conformisme et la désobéissance des anabaptistes n’engendrent des menaces sociales sous la forme d’émeute et de rébellion, de chaos et d’anarchie; troisièmement on tentait toujours à nouveau de définir et de diffamer l’anabaptisme en l’accusant d’être une folie pieuse et fanatique voire une maladie psychique.
Pour parvenir à une avance couronnée de succès dans la lutte contre l’anabaptisme, une alliance politico-religieuse étroite était souvent inéluctable. A Berne également, la lutte contre l’anabaptisme local fut ordonnée par les autorités de la ville, relayée sur les terres avoisinantes par le bailli depuis son château et appliquée dans le village par le pasteur soit du haut de la chaire, soit au sein du consistoire, soit enfin lors de visites à domicile.
La présence anabaptiste était particulièrement intense et persistante en Emmental. A cet égard, les résidences locales des baillis bernois – comme par exemple le château de Trachselwald (photo) – représentaient souvent des lieux douteux pour la tenue de procès,
pour l’incarcération et la torture exercées envers de nombreux anabaptistes de la région.
De tout temps il y eut bien sûr, à Berne aussi, des politiciens, des pasteurs et des théologiens à l’argumentation plus nuancée et défendant la tolérance et le dialogue. Plus avertis que d’autres, ils voyaient des points forts mais aussi des faiblesses non seulement dans leur propre camp mais aussi dans la position anabaptiste. C’est pourquoi ils en appelèrent à d’avantage d’indulgence et de dialogue. Malheureusement, et pour longtemps, c’est la position intransigeante qui, dans un camp comme dans l’autre, s’imposa. Les réformés pas plus que les anabaptistes ne reconnaissaient au groupe adverse une once de bon sens.
Trad. : Théo Gerber