De l’opposition à la collaboration : les rapports tendus avec l’Eglise officielle

Article paru dans le calendrier 2008 édité lors de l’Année anabaptiste 2007
Auteur : Hanspeter Jecker

Durant des siècles, les Eglises officielles furent sollicitées par leurs autorités pour lutter contre l’anabaptisme et la plupart des pasteurs offrirent volontairement leurs services dans le cadre de cette offensive. Parfois, ils en étaient même l’élément moteur.

Dans les endroits les plus reculés où l’anabaptisme résistait, les autorités fondèrent de nouvelles paroisses pour mieux contrer le mouvement. On constate cela à Eggiwil (1631), à Schwarzenegg (1693) et à Heimiswil (1704). D’autre part, de nouvelles écoles virent le jour „à titre prophylactique“ contre l’anabaptisme : par exemple à Trub, Langnau ou Sumiswald (1719).

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Il y avait bien sûr aussi des gens qui considéraient les anabaptistes comme des contemporains désireux de vivre leur foi avec sérieux et qui voyaient dans leur honnêteté, leur zèle et leur modestie une vie exemplaire. Le pasteur Thormann de Lützelflüh rédigea une oeuvre considérable pour démontrer à de tels sympathisants „que l’on pouvait tout aussi bien être un bon chrétien sans devenir anabaptiste et que chez nous, on pouvait permettre à sa foi d’agir valablement, même bien davantage que dans l’anabaptisme.“

Mais vers 1700, dans le contexte du piétisme, on rencontra même des pasteurs qui considérèrent l’anabaptisme comme la manière la plus authentique de vivre la foi. Franz von Wattenwil, pasteur veveysan écrivit : „Pour quelles raisons Messieurs les pasteurs engagent-ils contre d’aussi pieux chrétiens d’aussi sévères persécutions et pourquoi incitent-ils les autorités à les chasser du pays, alors que le Seigneur demande à ses disciples de vivre de façon semblable à celle que nous devons constater chez les anabaptistes“?

Certains théologiens évangéliques pointèrent cependant aussi le doigt sur des aspects que même certains responsables anabaptistes considéraient comme menaçants ou comme des point faibles de leur propre théorie et pratique. L’approche anabaptiste du salut choisi librement aurait parfois laissé dans l’ombre le fait que le oui de l’homme envers Dieu était précédé du oui de Dieu envers l’homme. Par ailleurs, le courage du non-conformisme anabaptiste, que certains qualifiaient d’exemplaire, ne serait pas seulement fidèle à l’Evangile mais souvent aussi le reflet d’une autosuffisance complaisante et d’une rouspétance notoire, qui par un „retrait du monde“ douteux donnait accès au pieux ghetto. Par ailleurs encore, l’accent anabaptiste mis sur „les fruits de la pénitence“ et la vie transformée en Christ conduiraient à une fidélité élitaire, à une piété maladive et un légalisme sans coeur. En s’attachant à mettre en place une assemblée illusoire „des purs“, plutôt qu’à être et vouloir rester une „Eglise de pécheurs justifiés“ selon la bonne tradition réformée, la théologie anabaptiste tombait dans l’erreur.

De telles réflexions font entrevoir que la correction sans la grâce conduit au même égarement que la grâce sans une vie à la suite du Christ. C’est ici qu’émergent des éléments prometteurs d’un dialogue fructueux entre les deux Eglises-soeurs, éléments qui malheureusement, mais dans une estime grandissante et réciproque, ne purent être abordés qu’au 20e siècle.

Trad. Théo Gerber

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